C’est la droite traditionnelle, celle qui dirigeait déjà la majorité des régions françaises, qui est sortie largement en tête du premier tour des élections régionales qui se tenait dimanche dans les 13 grandes régions de France. Dernier scrutin avant l’élection présidentielle qui aura lieu dans un peu moins d’un an, cette élection n’a pas confirmé la poussée du Rassemblement national (RN), pourtant annoncée par les sondages.
En tête dans six régions au premier tour en 2015, le RN ne l’était plus dimanche soir que dans une seule, soit Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), où le candidat Thierry Mariani devance d’un point le candidat du parti Les Républicains (LR), Renaud Muselier. Le résultat national du parti de Marine Le Pen a chuté de dix points comparé à celui de 2015, passant de 29,3 % à 19,5 %. Le fractionnement annoncé de la droite ne s’est donc pas produit, et les candidats LR ont toutes les chances d’emporter une majorité de régions au second tour, qui se tiendra dimanche prochain.
Abstention historique
Cette prime au sortant intervient dans le contexte d’une abstention historique. À la veille de la Fête de la musique et le jour même de la levée du couvre-feu imposé depuis huit mois, jamais les électeurs français n’avaient autant boudé les urnes. Comparée aux précédentes régionales, l’abstention a progressé de 18 points pour atteindre le record absolu de 68 %. Dimanche, dans les rues de Paris, les foules étaient nombreuses aux terrasses des cafés à parler des vacances proches ou des matchs de l’Euro 2020. Mais dans les bureaux de scrutin, les électeurs se comptaient sur les doigts de la main. Contrairement à son habitude, le gouvernement n’a fait aucune publicité télévisée pour cette élection. Dans de nombreuses localités, les citoyens n’ont pas reçu les documents d’information habituels présentant les candidats en lice. Fait pratiquement jamais vu, à Marseille, 34 bureaux n’ont pas pu ouvrir avant midi, faute d’assesseurs.
« Le Front national [aujourd’hui appelé le Rassemblement national] a reculé parce que nous avons montré que, par le travail, l’engagement et la cohérence, la politique n’était pas morte, qu’elle avait encore un sens », a déclaré Xavier Bertrand, président sortant LR des Hauts-de-France et candidat affiché à l’élection présidentielle. Contrairement à ce qu’annonçaient les sondages, il devance de 20 points son adversaire du Rassemblement national, Sébastien Chenu.
Depuis Hénin-Beaumont dans le Nord-Pas-de-Calais, qu’elle représente à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen a dénoncé un « désastre civique » et appelé ses électeurs à se mobiliser dimanche prochain. « L’abstention donne une vision trompeuse des forces politiques en présence, dit-elle. […] Après avoir subi des mois de restriction de vos libertés, je vous appelle à déconfiner vos idées et à redresser le résultat de ce premier tour », a-t-elle conclu.
Le Front national [aujourd’hui appelé le Rassemblement national] a reculé parce que nous avons montré que, par le travail, l’engagement et la cohérence, la politique n’était pas morte, qu’elle avait encore un sens
Un échec pour Macron
Donné gagnant depuis des semaines par tous les sondages, le candidat RN Thierry Mariani en PACA a lui aussi appelé ses électeurs à la mobilisation. « Si à nouveau, vous n’allez pas voter, dit-il, nous continuerons avec les mêmes, et ce seront les candidats d’Emmanuel Macron qui seront réélus. » La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est pour l’instant la seule où un candidat RN semble en mesure de l’emporter.
À l’Élysée, on s’est contenté de déplorer la faible participation. Les résultats apparaissent comme un échec cuisant pour le parti présidentiel (LREM), comme l’ont été toutes les élections intermédiaires depuis 2017. Elles confirment l’ancrage local pratiquement inexistant du parti d’Emmanuel Macron, mais aussi l’échec de sa tentative de fracturer la droite (LR). Dans les Hauts-de-France, les cinq ministres envoyés par Emmanuel Macron, dont celui de la Justice, Éric Dupond-Moretti, n’auront pas fait le poids. Le candidat de la majorité présidentielle (LREM), Laurent Pietraszewski, n’a même pas atteint les 10 % nécessaires pour se maintenir au second tour.
Même déception dans la région Centre, seul endroit où le président caressait l’espoir d’emporter la région. Le ministre Marc Fesneau n’obtient que 16,5 % des suffrages. À Paris, région macroniste s’il en est, le candidat de la majorité présidentielle ne fait que 12 %.
La présidentielle relancée
« En 2017, Emmanuel Macron s’était fait élire contre les partis, aujourd’hui ces partis prennent leur revanche », a déclaré sur BFMTV le journaliste Alain Duhamel. Les trois principales figures nationales qui sortent gagnantes de ce scrutin demeurent les présidents LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, d’Île-de-France, Valérie Pécresse, et d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Tous trois se voient ainsi confortés dans leurs ambitions présidentielles. Reste à savoir ce qui pourra les départager puisque à droite, pour l’instant, il n’est pas question de primaire.
Malgré ses déboires récents, la gauche a plutôt bien résisté dans les régions qu’elle dirigeait déjà. Contrairement à ce qu’elle avait fait en 2015, elle devrait refuser de se retirer pour empêcher l’élection du RN. C’est ce qu’a annoncé dimanche soir le candidat écologiste Jean-Laurent Félizia de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour la chroniqueuse du MondeFrançoise Fressoz, l’échec du parti présidentiel et les bons résultats de la droite « relancent la compétition présidentielle ». Elle permet notamment à la droite de « desserrer la tenaille Macron-Le Pen », écrit Le Figaro.
Toute la semaine, les négociations vont se poursuivre afin de contracter des alliances ou de s’assurer des reports de voix. Reste à savoir dans quelle proportion la participation sera en hausse dimanche prochain, comme cela est généralement le cas aux seconds tours.
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Source: Monde / Europe – Le Devoir
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