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Vous n’oseriez peut-être pas l’écrire. Mais je suis sûr que cela vous marque aussi, surtout si vous venez de l’étranger pour visiter la France. Où sont passées les colères qui ont fracturé le pays entre la mi-janvier et la mi-avril, date de la promulgation houleuse de la loi décriée sur la réforme des retraites ?
Vous me répondrez que je ferais mieux d’attendre la quatorzième journée de manifestations et de grèves, ce mardi 6 juin, pour répondre à cette interrogation. Mais bon, je prends le risque: les colères hexagonales commencent, à l’évidence, à faire place aux vacances. Elles paraissent même solubles dans la préparation des sacro-saints congés d’été. La France de la Nationale 7, cap sur le sud comme le chantait Charles Trenet, paraît prête à faire oublier celle des centaines de milliers de manifestants qui, durant quatorze jours, à l’appel des syndicats unis, ont martelé leur hostilité au départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62 ans.
Colères et vacances. Il faut sans doute être Suisse, ou en tout pas Français, pour opposer les deux. Car les secondes, ne l’oublions pas, sont filles des premières. « Fermé jusqu’à lundi » chantait Jean Sablon à propos des premiers congés payés obtenus, à la fin des années trente, par la colère sociale incarnée par le Front populaire. Et oui, ce tandem-là est bien français. On revendique. On se bat. On s’époumone. Et puis on tombe la chemise et on chantonne version Zebda : « Tous les enfants de ma cité et même d’ailleurs/Et tous ceux que la colère a fait de meilleur/Des pas beaux, des faces rondes comme des quilles/Des têtes rouges, en un mot la famille sont là ».
La France a ceci de formidable et de déroutant qu’elle est un condensé de contradictions. On peut y vouloir à la fois le soleil, les vacances, des bons salaires, l’exception culturelle et la retraite dans la force de l’âge pour redémarrer une seconde vie. Et si, après tout, ces sacrés Français avaient raison d’être réalistes façon mai 1968. C’est-à-dire de demander l’impossible.
Bonne lecture, sans chemise et sans pantalon !
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